PARTHES

PARTHES
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S’il est une période obscure dans l’histoire de l’Iran ancien, c’est bien celle des cinq siècles durant lesquels les Parthes imposèrent leur autorité à l’ensemble du plateau iranien. Certes, l’abondance relative des sources étrangères, qui proviennent principalement de l’historiographie gréco-latine, a pu conduire à négliger la recherche de documents proprement iraniens; l’intérêt qu’on a porté en premier lieu aux civilisations les plus anciennes a pu amener les fouilleurs à ne pas prendre garde aux témoins qui restaient encore de ces époques plus récentes. Cela ne suffit pas, néanmoins, à rendre compte de l’indigence des sources iraniennes concernant la période parthe. Force est d’admettre, semble-t-il, que dans cette partie de leur histoire, aussi bien qu’au cours des périodes antérieures, les Iraniens ont manifesté une certaine répugnance envers les documents écrits, privilégiant en revanche la tradition orale. L’écriture ne fut pour eux qu’un luxe, souvent passager, et hérité des civilisations voisines, et les Arsacides ont, mieux que d’autres, illustré cette tendance à se contenter de la transmission orale de leur culture.

Par ailleurs, un autre phénomène tend à obscurcir considérablement le visage de cette civilisation: c’est l’apport de l’hellénisme, dont l’impact exact demeure difficile à déterminer mais qui a certainement exercé une forte influence sur l’art, la culture, la religion iranienne, au-delà même de la période parthe. Quoique réceptifs à cet apport grec, et capables de s’en enrichir, les Parthes ont-ils su créer une civilisation originale? À cette question, il n’y a pas encore de réponse, sinon très partielle. Il semble peut-être que les Arsacides aient voulu être considérés comme les héritiers des Achéménides, si le fait d’avoir gravé un bas-relief au-dessous d’un relief achéménide a une signification précise. Quoi qu’il en soit, pour tout ce qui touche à cette histoire, il faut s’en remettre à Strabon, à Arrien, à Polybe, à Dion Cassius aussi, sans négliger les sources arméniennes (Moïse de Xoren) et syriaques.

1. Cinq siècles d’histoire politique

La formation de l’Empire parthe

Dans la première moitié du IIIe siècle avant J.-C., des tribus scythes font irruption en Iran; appelées par les historiens Parnes (ou Aparnes ), elles auraient émigré de la région de la mer d’Aral pour s’installer en Parthie , après avoir été refoulées par le satrape Diodote Ier de Bactriane, qui se rendra indépendant du pouvoir séleucide vers 240. Conduits par Arsace, qui donnera son nom à la dynastie, ces nomades vont, comme Diodote Ier et avec l’aide de Diodote II, profiter de l’incapacité des Séleucides à maintenir leur autorité sur les régions orientales, pour s’y implanter; de là, elles se tailleront un empire en s’emparant des territoires de l’Ouest, ce qui ne sera pas facile ni acquis avant 140. Vers 228, le roi séleucide Séleucos II (246-226) marcha vers l’est et Arsace dut battre en retraite, mais il semble que ce dernier devint néanmoins maître de toute la province de Parthie.

La première grande capitale des Parthes fut Hécatompylos. Elle fut investie par Antiochos III (223-187), qui entreprit avec succès une expédition dans les territoires séleucides de l’Est, peut-être en vue de rétablir la liberté des voies commerciales avec l’Extrême-Orient.

Le véritable fondateur de l’Empire arsacide fut Mithradate Ier (171 env.-138 env.). C’est avec lui que les Parthes envahirent les régions de l’Ouest, causant le départ précipité d’Antiochos IV Épiphane (175-164), de la Palestine vers l’est. En dépit de ses efforts, celui-ci fut battu et mourut de consomption près d’Ispahan. La disparition du dernier des grands rois séleucides consacre le déclin de leur dynastie et leur empire sera vite réduit à la Syrie proprement dite. Mithradate s’empare de la Médie; après avoir vaincu un général de Démétrios II, il s’avance en Mésopotamie et entre dans la cité royale de Séleucie (141) où il est reconnu comme roi. Mais il dut retourner à l’est, probablement en raison de difficultés créées par les Scythes d’Asie, que les Perses appelaient Sakas.

La partie néanmoins n’était pas gagnée pour les Arsacides. Démétrios II repartit en guerre en 140, mais il fut capturé vivant par les Parthes en Mésopotamie et envoyé à Mithradate, qui lui donna sa fille Rhodogune en mariage. Malgré ces marques d’honneur, le roi arsacide commettait une erreur politique en retenant prisonnier son ennemi, car il provoqua un réveil des Séleucides, désireux de mettre fin à cette situation, un dernier sursaut qui coûta cher aux Parthes. Mithradate, qui s’était emparé de Suse, mourut en 139 ou 138, ayant conquis la Parthie, l’Hyrcanie, la Médie, la Babylonie, l’Assyrie, l’Élymaïde et peut-être la Perside.

Démétrios II essaya en vain de s’évader par deux fois. Son frère Antiochos VII (138-129) remporta plusieurs victoires sur les Parthes et, s’étant rendu maître à nouveau de la Babylonie et de Suse, s’installa en Médie et proposa la paix au roi parthe Phraate II (vers 138-128) aux conditions suivantes: libération de Démétrios, reddition aux Séleucides de tous les territoires sauf la Parthie, payement d’un tribut. Phraate ne pouvait certes que refuser une paix aussi défavorable pour lui. Il libéra et renvoya Démétrios en Syrie pour forcer Antiochos à s’en aller des régions qu’il contrôlait. Mais, surtout, les cités que celui-ci occupait se révoltèrent, ce qui facilita l’écrasement des troupes séleucides. Antiochos fut même abandonné par ses hommes et mourut. La dernière tentative des Séleucides pour reprendre les provinces de l’Est avait échoué.

Phraate II périt en combattant des Sakas à l’est. Ce sera aussi le sort de son oncle et successeur Artaban Ier (127-124 env.). Sous le règne des rois suivants, qui rivalisent pour le pouvoir – comme ce sera désormais souvent le cas dans la famille arsacide –, il faut noter trois faits importants, dans cette période déclinante pour les Séleucides, qui seront absorbés par Rome dès la première moitié du Ier siècle avant J.-C. C’est tout d’abord la formation en basse Mésopotamie du royaume de Characène par l’Arabe Hyspaosine, qui s’empara même de la Babylonie qu’il dut toutefois rétrocéder à Mithradate II (124 env.-90 ou 87). C’est ensuite l’entrée de l’Arménie sur la scène internationale, pays qui deviendra l’enjeu constant des luttes postérieures entre Rome et les Parthes. En effet, Tigrane (94 env.-54 env.), fils du roi d’Arménie, que Mithradate détenait prisonnier, se trouve, à la mort de son père, installé sur le trône avec l’aide des troupes parthes. L’ingérence des Arsacides dans les affaires intérieures arméniennes sera plus manifeste encore quand Mithradate épousera la fille de Tigrane, et qu’une branche de la famille arsacide accédera au pouvoir. Mais Tigrane profite de la disparition de Mithradate et de l’affaiblissement de l’Empire parthe pour se retourner contre ses anciens alliés; il l’emporte et se fait même appeler « roi des rois » après avoir conquis de nombreux territoires.

Le troisième fait à retenir, ce sont les incursions des Sakas à l’est et l’invasion des Huns, puis des Tochariens, cause de graves difficultés pour les Parthes. En même temps, ces Sakas créent plus à l’est, en Inde, des royautés, dites indo-scythes, qui, de Mauga aux Pahlavas, connaîtront un grand rayonnement et seront continuées par les Kouchans dont le plus célèbre souverain est Kanishka (milieu du IIe s. apr. J.-C.).

En outre, dès la fin du IIe siècle avant J.-C. se développe le commerce avec l’Extrême-Orient. On sait qu’une ambassade chinoise arriva dans la capitale parthe vers 125. La route de la soie joua un rôle de premier plan dans l’activité économique de cet empire aux ressources essentiellement agricoles et commerciales. Les routes caravanières ont, dès cette époque, fait de l’Iran parthe un pays transitaire des denrées orientales acheminées vers la Mésopotamie, la Syrie et l’Empire romain.

Les conflits romano-parthes

Les guerres avec Rome, qui se déroulent sur deux aires principales, en Mésopotamie et surtout en Arménie, constituent comme un tournant dans l’histoire des Arsacides. Du côté romain, l’entreprise s’est le plus souvent soldée par des échecs tant que des plans grandioses, visant à la domination de l’Arménie, furent conçus. Les menées des Romains en Mésopotamie furent davantage couronnées de succès, au cours du IIe siècle après J.-C., et elles entraînèrent le déclin de la monarchie, devenue une proie facile pour d’autres Iraniens. Du côté parthe, l’affrontement avec les Romains obligea le roi des rois à déplacer sa capitale de Parthie en Babylonie, où fut créée Ctésiphon pour des raisons stratégiques, Hécatompylos étant par trop excentrique. Mais, de fait, la défense de l’Empire sera non plus tant assurée par le roi que par de vaillants généraux issus des grandes familles disposant de forces armées autonomes.

On ne retiendra de ces conflits de trois siècles que l’essentiel: après les tentatives de Lucullus et de Pompée pour s’imposer en Arménie, la première campagne importante fut due à Crassus. En 54 avant J.-C., à la tête d’une armée de quarante-deux mille hommes, il attaqua en Mésopotamie avec Séleucie pour objectif. Mais près de Carrhes, l’infanterie romaine fut détruite en grande partie par les dix mille cavaliers parthes placés sous les ordres du fameux général S r 勒n. Crassus fuit en Arménie. S r 勒n proposa la paix, mais la rencontre fut troublée par un incident au cours duquel un Parthe fut tué. Aussitôt une mêlée s’ensuivit, dans laquelle Crassus et Octavius trouvèrent la mort. Les Romains avaient perdu vingt mille hommes, et dix mille autres faits prisonniers furent emmenés à Merv. Le roi Orode (57 env.-39), jaloux du succès de S r 勒n, le fit mettre à mort.

La politique se déplace pour un temps en Syrie, où Rome est désormais en situation dangereuse par suite de la suprématie parthe. Les appels au secours de Cicéron demeurent vains; César, qui a bien vu le danger et prépare une expédition avec Octave, est assassiné avant d’avoir pu mettre à exécution son projet. Celui-ci fut repris par Antoine, alors que le roi parthe Pacore avait envahi la Syrie et s’était avancé en Judée jusqu’à Jérusalem, qui passa sous son contrôle et reçut comme gouverneur un roi juif à sa convenance; ce ne fut que pour quelques années, car la ville fut réoccupée par Rome en 37. Après que les Romains eurent récupéré la Syrie, la deuxième campagne en Arménie conduite par Antoine fut, elle aussi, un désastre: en 36, le Romain, allié au roi d’Arménie Artavasde, décida, avec une armée de cent mille hommes, d’entreprendre le siège de la capitale de la Médie Atropatène; mais tous ses engins et son matériel de guerre, demeurés en arrière, furent détruits par les Parthes. Artavasde déserta avec une partie des forces alliées. Antoine dut, à l’approche de l’hiver, lever le siège et subir les attaques répétées de la cavalerie parthe dans des régions montagneuses. La famine s’installa parmi les Romains qui battirent péniblement en retraite sur l’Araxe, et Antoine perdit, dit-on, trente-cinq mille hommes. Après un séjour en Égypte auprès de Cléopâtre, Antoine eut plus de succès, en s’assurant le contrôle de l’Arménie par ruse. Faisant prisonnier Artavasde, il le livra à la cruauté de Cléopâtre qui le fit mettre à mort. Cette lutte entre les trois parties en cause se poursuivit jusqu’en 20 avant J.-C.: l’apaisement se fit cette année-là, grâce à la remise aux Romains des étendards et au retour des prisonniers dont les Parthes s’étaient emparés au cours des campagnes de Crassus et d’Antoine.

La période suivante fut très troublée. Le don fait par Auguste à Phraate IV (40 env.-2 env.) d’une esclave nommée Musa était un cadeau empoisonné: celle-ci, devenue reine, tua son mari, pour permettre à son fils de régner. D’ailleurs, les dissensions et les meurtres à l’intérieur de la famille royale deviennent monnaie courante, affaiblissant l’autorité du pouvoir central qui n’arrive plus à s’imposer aux nobles et aux grands. Les luttes à propos de l’Arménie, dont chacun des deux empires cherche toujours à se rendre maître, se poursuivront jusqu’au règne de Vologèse Ier, durant lequel elles connaîtront de nouveaux rebondissements.

Un grand roi: Vologèse Ier

Vologèse Ier (51 ou 52-79 ou 80) semble s’être montré plus magnanime envers les siens que ses prédécesseurs, en confiant à son frère Pacore la province de Médie, et à son autre frère Tiridate celle d’Arménie – ce qui n’était pas fait pour plaire aux Romains. La lutte fut vive entre Néron, le général romain Corbule et le roi de Géorgie d’une part, Vologèse et Tiridate d’autre part. La capitale d’Arménie, Artaxate, succomba ainsi qu’une ville fondée par Tigrane le Grand, Tigranocerte. Le pays tomba finalement tout entier aux mains des Romains, qui y placèrent un gouvernement à leur gré. Après de nouvelles péripéties, Vologèse reprit l’avantage et les deux adversaires entamèrent des négociations. Pour ménager les susceptibilités romaines, il fut décidé que Tiridate recouvrerait son pouvoir, mais devrait recevoir la couronne d’Arménie des mains mêmes de Néron à Rome. Tiridate fit le voyage par terre, pour ne point souiller cet élément sacré qu’est l’eau. Le règlement de la question arménienne amena une période de paix. Le règne de Vologèse semble avoir été marqué par une activité économique plus intense, qui se manifeste en particulier par la construction d’un centre commercial, destiné à supplanter la vieille cité de Séleucie désormais à son déclin et édifié à quelques kilomètres seulement de celle-ci: Vologesias (en iranien V laxsh b d), qui drainera alors tout le commerce arrivant par le golfe Persique et transitant vers Palmyre et les territoires romains.

Les succès romains du IIe siècle et la fin des Arsacides

Le déclin de Séleucie n’est pas dû à la seule concurrence de Vologesias; il résulte aussi des conditions politiques tout au cours du IIe siècle. Dans le même temps, la capitale parthe de Ctésiphon subira les assauts répétés des Romains. N’est-ce pas là une des causes principales de la décadence de l’Empire arsacide? Tant que la lutte se situait en Arménie, le danger était moins grand. Frapper le cœur même des cités de l’Empire, le centre vital de l’économie et de la direction politique et administrative devient le nouvel objectif de Rome. Ainsi la conquête de l’Arménie par Trajan, qui en fit une provincia romana , fut-elle suivie de la prise de Ctésiphon en 115-116. Les expéditions de L. Verus en 165, puis de Septime Sévère en 197-198 contre Séleucie-Ctésiphon contribuèrent à la ruiner de plus en plus. Parallèlement, se poursuit la dégradation de l’autorité monarchique, due en partie aux conditions sociologiques qui seront exposées ci-dessous. Dès lors, le désordre qui s’installe dans le pays profitera aux Perses d’Ardachir, qui tuera de sa propre main le dernier des Artaban, comme on peut le voir encore aujourd’hui à Naqš i Rustam, sur un relief d’investiture du premier Sassanide.

2. Structures sociales et politiques

L’une des causes de la chute de la dynastie arsacide paraît avoir été la faiblesse du pouvoir monarchique, qui réussit toutefois à se maintenir durant près de cinq siècles. Assurer l’unité d’un si vaste empire semble d’autre part avoir été une tâche moins aisée pour les Parthes qu’elle ne le fut peut-être pour les Achéménides, en raison des structures sociales différentes, pour autant qu’on peut entreprendre de les décrire, car les documents nous font défaut. Certes, le roi détient un pouvoir monarchique absolu, dont il use et abuse, mais qui n’est pas héréditaire: ce sont les grands du royaume qui élisent le successeur du roi défunt et, quand il y a désaccord, on aboutit à ce que règnent en même temps deux princes soutenus par des factions rivales. Cela explique aussi pourquoi les rois parthes se montrèrent souvent si cruels envers leur propre famille, en faisant massacrer tous les rivaux possibles. Ce procédé lui-même s’avéra inefficace du fait qu’il restait toujours quelque part un prince arsacide capable de renverser le roi régnant, avec l’aide de la noblesse. Celle-ci paraît avoir joui d’une assez large indépendance et pesé notablement sur les destinées de l’empire. Les structures administratives plus souples lui étaient favorables: il semble, en effet, que les provinces parthes furent moins vastes que les anciennes satrapies, qui étaient divisées en plusieurs régions, et, qu’en tout cas, leurs gouverneurs étaient beaucoup plus indépendants du pouvoir central que jadis. Ceux-ci étaient choisis dans la famille royale ou parmi les six autres grandes familles, qui étaient très puissantes, possédaient d’immenses propriétés foncières et levaient elles-mêmes des armées, qui ont contribué à défendre la monarchie, comme à Carrhes. Ces familles portaient des noms qui sont devenus illustres, tels celui de S r 勒n (cette famille avait reçu la charge héréditaire de couronner le roi) ou celui de K r 勒n. Mais à la base du système social, les quatre divisions de l’ancien régime patriarcal des Indo-Iraniens se maintiennent, attestant le traditionalisme de ces Iraniens du Nord-Ouest: ainsi, le chef de dahyu (pays) est le Grand Roi; le chef de zantu (tribu) correspond aux satrapes; le chef de vis (clan) se recrute dans les grandes familles; enfin, les chefs de nmana (maison) étaient probablement de petits gentilhommes.

Aux quelques rares renseignements que fournissent les historiographes gréco-latins sur les institutions de l’État parthe, on peut ajouter ceux qui sont transmis par les sources arméniennes; les institutions de l’Arménie furent en effet réorganisées sur le modèle parthe à partir du Ier siècle avant J.-C.: ainsi y avait-il quatre bdeašx (vice-rois), qui gouvernaient les territoires frontaliers situés aux quatre points cardinaux.

3. Art et religion

Si les institutions et, d’une manière plus générale, cette civilisation parthe demi-millénaire demeurent encore tellement mal connues, c’est en raison de l’inexistence quasi totale de documents écrits indigènes. Ni archives ni ouvrages profanes ou religieux n’ont été retrouvés. Seules les monnaies et quelques rares inscriptions tiennent lieu de sources. Tout a-t-il donc été détruit, ou ne serait-il pas plus raisonnable de penser, tout en mentionnant l’insuffisance des fouilles opérées sur les sites proprement parthes, que la culture arsacide repose essentiellement sur des traditions orales et que l’on a affaire à un peuple qui, semblable en cela à ceux qui le précédèrent sur le plateau iranien, n’a pas cru devoir confier à l’écriture les faits de son histoire ou les propositions de ses lois?

Si les monuments de la littérature font défaut, a-t-on plus de bonheur avec ceux de l’art? Il faut constater hélas, qu’en ce domaine également la civilisation parthe se trouve être très dépourvue. Certes, les sites archéologiques ont été insuffisamment fouillés, parfois même pas du tout. Des grandes capitales, on ne connaît à peu près rien: le site d’Hécatompylos n’a pas encore été décelé, celui de Ctésiphon n’a rien révélé, à tel point que l’art de la cour arsacide demeure tout à fait inconnu. Seul le site de Nisa, centre religieux des Parthes, rebaptisé par Mithradate Ier sous le nom de Mithradatkirt, témoigne dans son décor et ses sculptures de fortes influences grecques.

À l’inverse de la Parthie et de la Babylonie, l’Iran oriental a laissé quelques monuments; d’autre part, plusieurs villes-frontières entre les deux Empires parthe et romain sont suffisamment bien conservées pour pouvoir donner quelque idée de l’art de certaines régions de l’Empire. Palmyre, grande cité caravanière et foyer du commerce international, possède encore de grandioses monuments, dont l’architecture est toutefois très semblable à celle des villes de la Syrie romaine. Doura-Europos, sur l’Euphrate, fut surtout une colonie militaire et une place forte parthe, remarquable par la coexistence d’édifices religieux appartenant à des religions différentes; elle est célèbre par les peintures murales miraculeusement préservées qui y ont été mises au jour, en particulier dans une synagogue, et qui attestent d’une manière unique l’existence d’un art figuratif juif (cf. JUDAÏSME, pl. couleurs). Il s’agit d’un art composite, qui a emprunté à la fois à la Grèce et à l’ancien Orient; son originalité réside dans la représentation de face de tous les personnages. Les villes d’Assour et de Hatra (l’actuelle Al Hadr) témoignent également d’influences diverses, assyro-babyloniennes, grecques et iraniennes. Dans l’Est iranien, les influences de l’art grec sont aussi prédominantes, comme K h-i Xv je (Séistan), où le stuc, d’importation grecque, a cette particularité d’être utilisé en panneaux de revêtements. Mais, à travers ces sites, comment caractériser un art proprement parthe? Quelques reliefs rupestres ont été généralement attribués aux Parthes; ils trahissent une grande maladresse. Seule la statue de Shami (Musée archéologique, Téhéran) est une œuvre importante. En bref, l’art parthe, qui ne devient un art original qu’aux alentours de notre ère, présente plusieurs innovations: les historiens s’accordent à reconnaître, par exemple, le rôle joué dans l’architecture par l’iw n, sorte de construction carrée possédant une ouverture très large sur le devant, et couverte d’une voûte utilisée alors sur de grandes portées. La généralisation aussi de la loi de frontalité qui bannit complètement la représentation de profil des personnages est spécifique des œuvres parthes. Non complètement dégagé des influences de l’art grec, l’art parthe a cependant son originalité, mais il n’aura pas de successeurs.

S’il est malaisé et hasardeux de définir ce qu’a été l’art des Parthes dans sa continuité, il est quasiment impossible de retracer l’histoire religieuse de ce demi-millénaire. Tout au plus peut-on réunir quelques données. Ce qui est certain, c’est que la religion iranienne est mêlée, après la conquête d’Alexandre, d’éléments étrangers, grecs et sémitiques. De même que l’art, elle a manifestement subi l’influence de l’hellénisme, mais celle-ci reste difficile à évaluer. Les rois parthes portent le titre de « philhellènes », comme ils l’indiquent sur leurs monnaies, où sont représentés des dieux grecs. Certains souverains se font appeler dieux comme Alexandre, ou représenter comme tels: ainsi Phraate Ier, avec une massue sur l’épaule, est figuré en Héraclès. Les monnaies de Mithradate Ier portent des représentations de Zeus ou de Déméter. Une réaction contre l’hellénisme semble s’affirmer vers le milieu du Ier siècle après J.-C.: les dieux iraniens réapparaissent, ainsi que les légendes en caractères pehlevi. Le culte du feu est aussi attesté; toutefois, aucune littérature religieuse de cette époque ne nous est parvenue.

Les sites d’Assour, de Hatra et de Doura-Europos font entrevoir la situation religieuse de ces villes cosmopolites, où la religion astrale des sémites avait accueilli des apports grecs et iraniens, et voisinait avec de nouvelles religions, telles que le mithraïsme, le christianisme et le judaïsme. Mais les vrais centres religieux des Arsacides ont été Nisa (Parthie), Istaxr (Perside), Shiz (Azerbaïdjan) et Ray (Médie). Le culte de la déesse Anahita est bien attesté, jusqu’en Arménie. Cependant, c’est le culte de Mithra qui demeure le moins mal connu, surtout sous la forme étrange qu’il a prise à l’Ouest et dans tout le monde romain: amalgame d’éléments iraniens, babyloniens, gréco-romains et judéo-chrétiens, le mithraïsme célèbre le culte d’un dieu iranien, solaire et sauveur. L’iconographie à laquelle il a donné lieu, par exemple à la synagogue de Doura-Europos, dont les peintures représentent les épisodes de la vie du dieu, avec le sacrifice du taureau figuré à la place d’honneur au-dessus de l’autel du mithraeum, paraît assez éloignée de l’orthodoxie mazdéenne, qui est restée, semble-t-il, imperméable à toute représentation figurative; c’est là un nouveau constat du manque de sources iraniennes, pour lequel le recours aux documents étrangers est l’unique palliatif et le seul moyen de parvenir à une certaine connaissance de l’histoire des Parthes. S’il en est encore besoin, ajoutons un dernier indice de cette indigence des sources: alors que les collections de sceaux de l’époque sassanide, publiques ou privées, comprennent des milliers d’exemplaires, on a jusqu’ici retrouvé tout juste quelques dizaines de sceaux parthes.

4. Langue et littérature

Les souverains sassanides, qui régnèrent du IIIe siècle après J.-C. aux invasions arabes au milieu du VIIe siècle, utilisaient un dialecte moyen iranien occidental appelé moyen perse ou parfois pârsîk, originaire du Sud-Ouest, et constituant le chaînon intermédiaire entre le vieux perse des inscriptions achéménides écrit en caractères cunéiformes et le persan moderne écrit à l’aide de l’alphabet arabe. Le moyen perse est connu par les inscriptions des rois sassanides, par une abondante documentation sur papyrus datant du VIIe siècle et par des textes d’inspiration mazdéenne ou manichéenne.

Une fâcheuse confusion, et cela pour plusieurs raisons, risque de se produire entre les deux dialectes du moyen iranien occidental, l’un du Nord-Ouest, le parthe, l’autre du Sud-Ouest, le moyen perse. Tout d’abord, le terme générique pour désigner le moyen iranien occidental est généralement le pehlevi, ou pahlavîk, qui n’est autre qu’un dérivé de l’ethnique Parthava. Certains auteurs emploient donc le terme de pehlevi au lieu de parthe, tandis que pour d’autres ce nom désigne la langue officielle de l’État et de l’Église sassanides. D’autre part, il existe une continuité historique et politique entre l’époque arsacide et l’époque sassanide, d’où une successivité de certains documents. Dans d’autres textes, en revanche, on constate une simultanéité entre les écrits en parthe et ceux en moyen perse: ainsi dans les inscriptions officielles d’époque sassanide ou dans les textes manichéens conservés sur des manuscrits provenant du Tourfan (Sin-Kiang).

Les plus anciens témoignages du parthe, consistant en trois noms propres, datent de la grande inscription achéménide de Bîsoutoûn. Leur interprétation est douteuse, de même que celle des noms de gouverneurs « parthes » mentionnés dans une inscription assyrienne.

On admet actuellement que les milliers d’ostraca trouvés à Nisâ, à proximité de la moderne Ashkhâbâd en Turkmenistan du Sud, sont rédigés en parthe, mais presque seuls les compléments phonétiques de ces textes écrits à l’aide de mots araméens utilisés à la manière d’idéogrammes présentent un intérêt pour la connaissance du parthe du Ier siècle avant J.-C. La documentation provenant d’Avromân, dans les monts Zagros, et datant de la même époque n’aide guère davantage. En effet, la langue écrite reste le grec ou l’araméen. C’est ainsi que les légendes des monnaies arsacides seront longtemps en grec, de même que les inscriptions royales jusqu’aux premiers Sassanides comprendront aussi une version grecque.

À partir du Ier siècle de notre ère apparaissent les premiers témoignages clairs de la langue parthe: le bas-relief rupestre de Sarpoul (Shar-I-Poul), des monnaies parthes ou sogdiennes avec légendes en langue parthe. À la même époque, la tutelle exercée par les Parthes sur l’Arménie, qui dura de 66 avant J.-C. à 387 après J.-C., fut la cause de l’infiltration de nombreux termes parthes en arménien.

La langue utilisée dans les inscriptions officielles éventuellement accompagnées d’un texte grec et moyen-perse et datant des derniers Arsacides et des premiers Sassanides est archaïque et savante. La langue parlée par le peuple, en revanche, continua son évolution, et c’est dans ce dialecte rajeuni que furent composés les textes manichéens datables de la fin du IIIe siècle et du IVe siècle, dont les plus anciens sont contemporains de Mani (216-274 ou 277). Les textes font ensuite défaut durant deux siècles. Cette constatation, rapprochée de faits historiques, pousse les savants à admettre la disparition de la langue parthe, remplacée peu à peu, dans l’usage vivant, par le moyen perse introduit par des garnisons sassanides. Vers la fin du Ve siècle un schisme se produisit dans l’Église manichéenne d’Orient, opposant l’Église mère de Babylone et les rigoristes d 勒n var (d 勒n warryya). Parmi ces derniers, se développa une littérature religieuse écrite en parthe, mais rédigée par des scribes dont ce n’était plus la langue maternelle. Du point de vue linguistique, ces documents écrits en une langue morte ne sont pas d’un grand secours.

La majorité des manuscrits parthes ont été composés à l’aide de l’alphabet manichéen. Cette écriture, utilisée aussi dans quelques textes sogdiens, turcs et syriaques, était la cursive araméenne employée en Chaldée au IIIe siècle de notre ère. Mais l’usage du parthe comme langue liturgique provoqua des essais de transcription de certains textes en écriture sogdienne, en écriture chinoise (textes de Toun-Houang datant du VIIIe-IXe siècle) et en écriture turque runique (textes trouvés à Tourfan et datant de la même période).

L’étude linguistique du parthe est tributaire de cet ensemble de difficultés d’ordre historique et graphique et, malgré quelques bons travaux sur des questions assez limitées, on manque toujours d’études générales qui feraient la synthèse de nos connaissances de ce dialecte moyen-iranien.

Parthes
peuple originaire de Scythie, établi au IIIe s. av. J.-C. en Asie occidentale, au S.-E. de la mer Caspienne. Sous Mithridate Ier (v. 170-138 av. J.-C.) leur empire s'étendit à la Médie, à l'Assyrie et à la Babylonie, à la Bactriane, à la Perse et à une partie de l'Inde. Guerriers redoutables, ils luttèrent contre les Romains. Ils furent battus par Marc Aurèle et par Septime Sévère, avant de succomber, en 224 apr. J.-C., sous les coups des Sassanides.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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  • Sept grands clans parthes — Les Sept grands clans Parthes ou Sept Grandes Maisons (en Perse Haft Khandan ) étaient des maisons nobles à la cour parthe et sassanide. Ils étaient les nobles les plus proches du Roi des Rois. la Maison de Aspahapet, de Apartvaticène (Yazd) la… …   Wikipédia en Français

  • Parthie — Empire parthe Ashkâniân 247 av. J. C. – 224 ap. J. C. Carte de l Empire parthe en 60 av. J. C. Informations générales …   Wikipédia en Français

  • Guerres perso-romaines — La longue série de conflits entre le monde méditerranéen et le monde Perse forme une des plus longues séries d affrontements régionaux de l histoire. Aucune partie n étant capable de dominer l autre, ceux ci ne prirent fin qu avec les conquêtes… …   Wikipédia en Français

  • Adiabène — L’Adiabène (grec ancien Ἀδιαβηνή, Adiabène, lui même dérivé de l araméen ܚ ܕ ܝ ܒ ܐ, Ḥaḏy aḇ ou Ḥḏay aḇ) est une région de l Assyrie en Mésopotamie située entre le Grand Zab et le Petit Zab, deux affluents du Tigre. Elle est située autour de la… …   Wikipédia en Français

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